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Méditation sur le Pardon (psaume 32)

Méditation proposée par le Pasteur Volkmar JUNG au groupe oecuménique de Douai, le mercredi 26 mai 2010, à partir du psaume 32

Méditation sur le psaume 32, par le Pasteur Volkmar JUNG,
groupe œcuménique de Douai,

mercredi 26 mai 2010

(vous trouverez le texte de ce psaume dans trois traductions Colombe, NBS,TOB en fichier joint)

 

            Le Psaume commence par deux béatitudes : Heureux celui dont les fautes sont remises ; Heureux l’homme à qui l’Eternel n’impute pas d’iniquité, celui dont l’esprit ne triche pas. Deux béatitudes, en général dans quelques psaumes on trouve une seule (p.ex. 1,1 ; 65,4 ; ). Il s’est donc passé une chose extraordinaire dans la vie d’un homme.
Et ce psaume finit également par une grande joie : V. 11 : Exultez, réjouissez-vous, chantez d’allégresse, entonnez des chants de triomphe. Un cantique de louanges, un cantique de remerciement, une joie déchaînée. Pourquoi ? Parce que Dieu a libéré un homme, il a enlevé les chaînes. Quelle est l’origine de cette joie ? Le premier et le dernier verset forment un cadre, entre les deux il y a une inclusion. Une inclusion qui parle de péché et de pardon. C’est un homme qui a péché. Pour ce péché il y a des termes comme : Fautes, iniquités, offenses, transgression, tromperie et plus.
La tradition attribue ce psaume à David, elle fait allusion à son adultère avec Bethsabée, à son intrigue pour faire tuer le mari de Bethsabée, l’officier Urie. Un adultère, une intrigue, une trahison, un crime, et David, selon la tradition, a voulu cacher sa faute. C’est le prophète Nathan qui a dû démasquer le roi. Et David a dû confesser ses fautes. (Tout cela se trouve dans 2 Samuel 12. Le fils issu de cette alliance doit mourir. Mais un autre va vivre, Salomon.) Je pense que le psaume 32 n’est pas seulement l’affaire d’un particulier, même pas d’un roi qui a abusé de son pouvoir. C’est plutôt un psaume qui exprime une vérité humaine, valable pour tous les hommes en tout temps. Une expérience générale de toute l’humanité. Aujourd’hui c’est peut être la psychanalyse qui nous fait découvrir ou bien redécouvrir cette vérité.
 
            Quel est le véritable problème de cet homme ? Le problème n’est pas le péché même, ce n’est pas le fait d’avoir commis des fautes. Ne pas être parfait, trébucher, transgresser des lois : C’est en quelque sort presque « normal » pour un membre du peuple d’Israël. Nous sommes des pécheurs. Les gens dans la Bible ne sont pas des surhommes. Jacob trompe son frère, les frères de Joseph sont jaloux, ils vendent le petit en esclavage. Il y a des gens qui trompent et qui trichent avec les autres. La Bible ne veut pas enjoliver les gens. Donc quelle est la véritable faute de notre héros ? Le verset 3 le dit : « Tant que je gardais le silence… » Il s’est tu. Il a commis des fautes, mais il a enterré son péché. Avec un terme psychologique : Il a refoulé sa faute. Et cela, comme dit le psaume, avec beaucoup d’astuce dans l’esprit, avec de la fraude. Il a mis toute son intelligence et toute son énergie dans le refoulement. Quel gaspillage ! Aujourd’hui on dirait : Il ou elle est un maître d’intrigues, un menteur, les faits sont faussés. Blanc devient noir et noir devient blanc. Le mensonge devient la vérité. On malaxe et pétrit les faits. J’avais un camarade de classe qui m’a dit : Tu sais, quand j’ai fait une faute je me dis que ce n’était pas comme ça, et quand j’ai fait ça trois fois je crois moi-même que la déformation est vrai. Le mensonge devient la vérité.
        Voilà ce camarade se sentait accusé par une voix intérieure et il l’a fait taire. Il a enterré ses fautes. Il a couvert ses péchés. Notre psaume est un exemple de parade pour le refoulement. Et surtout pour les effets du refoulement. On se tait, on n’en parle plus. Le péché n’existe plus. Et quand la victime veut qu’on en parle enfin c’est elle qui ne veut pas la paix, c’est elle qui dérange l’harmonie.
       Quels sont les effets de cette mise sous le tapis? L’homme dans le psaume a gardé le silence « mais mes membres dépérissaient », «mes os se consumaient». Le terme hébreu est très fort, il y a même la connotation de « pourri », comme une charpente attaquée par le mérule qui n’est plus solide. Il est vermoulu dans son intérieur, rongé par son passé. Il est malade. Le refoulement entraîne la maladie. Et l’autre terme qui désigne les effets du refoulement : « Ma sève s’altérait comme au feu de l’été ».
 
Un homme pourri et sans sève, une façade. Ce qui est valable pour un particulier est aussi valable pour des sociétés. Une institution sans sève. Je voudrais donner quelques exemples.
Je me souviens bien qu’il y avait en Allemagne pendant un certain temps des thèmes tabous. On ne pouvait pas parler des crimes de guerre, de la Shoa, des camps de concentration. Les gens n’en savaient rien. Ils ont gardé le silence. Et j’avais l’impression que c’était comme une chape de plomb qui pesait lourd sur un peuple malheureux. Un peuple qui travaillait dur, mais c’était sans bénédiction. Le psaume dit : Jour et nuit ta main pesait sur moi.
Une autre chape de plomb, toujours l’Allemagne, mais aussi l’Irlande, les Etats-Unis : dans l’Eglise on a enterré beaucoup d’abus sexuels, nous avons lu les journaux. Cela a empêché l’Eglise en grande partie de proclamer une bonne nouvelle qui libère. On a mis trop d’énergie dans l’action de cacher des choses qui gênent.
Et pour être plus précis et pour donner mon impression de Douai, il ne faut pas contourner les choses : je ne vois pas trop de sève dans le secteur protestant. Il y avait des conflits un peu partout, mais comme je l’ai dit : avoir des conflits n’est pas le problème primordial. Avoir des conflits peut même être un signe de vie. Il y a trop de conflits enterrés pendant trop de temps. C’est le refoulement qui est le problème. On n’en discute pas, on ne cherche pas une solution pour les conflits. On se tait, et comme cela on n’est pas missionnaire, on est démissionnaire.
 
Quand un homme comme le psalmiste veut retrouver aujourd’hui une existence vivante il va chez le psychanalyste. Autrefois c’était la confession soit au confessionnal, soit les yeux dans les yeux avec un pasteur, avec un prêtre, avec un guide spirituel. C’était d’ailleurs gratuit. Il y a encore aujourd’hui dans les recueils de cantiques des protestants en Allemagne une instruction pour confesser. Parce qu’il y a là un problème qu’il faut résoudre. Le psaume nous donne aussi une instruction. Je voudrais appeler cela une instruction pour une « culture du conflit ». Le psalmiste dit : « Je veux faire aveu de mes transgressions. » Déterrer ce qui est enterré. Mettre à la lumière ce qui est caché. Sigmund Freud, celui qui est un père de la psychanalyse, c’était d’ailleurs un juif avec une bonne connaissance de la Bible, Sigmund Freud a dit : Ce qui est « Soi » doit devenir « Je ». Se rendre compte de ce qu’on a fait. Une conscientisation. Ce qui est inconscient doit être conscient.
Le psaume 32 est encore beaucoup plus concret que Freud, avec des termes juteux et des exemples assez drastiques ; et dans la deuxième moitié du psaume il s’agit d’un cantique de sagesse. Un homme a fait l’expérience de la confession des péchés, il est devenu sage, et il exhorte ses frères et sœurs à faire la même expérience: Soyez donc raisonnables. Développez une culture du conflit. « Ne soyez pas comme des mules qu’il faut retenir par des mors et des rênes. » Mettez au clair ce que vous avez fait de mal. Le Seigneur va pardonner tout aveu honnête. « Heureux l’homme dont les fautes sont couverts par Dieu ». C’est Dieu qui couvre, et c’est l’homme qui doit découvrir.
Le psaume finit par l’allégresse. Par l’allégresse de ceux qui ont reçu des béatitudes.
         J’ai parlé de mon pays et de la chape de plomb et des sujets tabous. Camps de concentration. Crimes de guerre. Les Eglises ont commencé à trouver une solution avec les peuples voisins, les peuples autrefois ennemis. On n’a rien caché et on a demandé le pardon. On a trouvé une solution avec Israël, une solution qui comprend la réparation et un certain dédommagement de la victime. En 68 il y avait une révolte. C’était au fond la jeunesse qui a mis en question la génération des pères : Vous avez travaillé après la guerre, mais vous avez enterré le passé. Et nous, les fils et les filles, nous ne pouvons pas vivre avec tous les tabous.
J’ai parlé de l’Eglise et des abus. J’ai l’impression que l’Eglise est sur un bon chemin parce que les abus ne restent plus dans l’oubli. On parle. Et on découvre les victimes. C’est une Eglise qui fait l’expérience du pardon. Paix avec Dieu, paix avec les victimes. Car le pardon a toujours deux dimensions : La dimension théologique, avec Dieu, et la dimension sociale, la réhabilitation de la victime, et la réparation du dommage. Comme l’a fait Zachée qui a redonné ce qu’il avait volé.

« Réjouissez-vous en l’Eternel, les justes,

et criez de joie, vous tous les cœurs droits ! »

 

Pasteur Volkmar JUNG

 

Article publié par Marie-France GUERIOT • Publié le Mercredi 16 juin 2010 - 16h44 • 6490 visites

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