Nos frères et sœurs orthodoxes de Russie, si proches des catholiques théologiquement et si éloignés culturellement.
De retour d’un voyage en Russie, si bien organisé par Le Pèlerin magazine et l’agence NDS, voici quelques unes de mes découvertes sur l’orthodoxie en Russie.
Entrons dans une église orthodoxe, ce qui frappe tout de suite c’est ce mur d’icônes que l’on appelle iconostase, et au milieu : une porte : « la porte royale » qui cache l’autel où le prêtre, « le pope » célèbre l’Eucharistie.
Ce mur d’icônes est à lui seul une catéchèse complète, mais on ne lit pas un texte on lit des images : des icônes
L’icône du Christ est à droite de la porte royale, l’icône de la Vierge Marie à gauche, les autres icônes sont placées dans un ordre précis : le Saint à qui l’église est dédiée, les 4 évangélistes, les apôtres etc.… sur 5 étages.
Chaque icône est une œuvre d’art. Pardonnez-moi cette comparaison peu respectueuse mais on pourrait comparer ce mur d’icônes à un écran d’ordinateur avec une page d’accueil Windows, chaque icône est une fenêtre bien visible et si on clique sur elle on entre dans l’Invisible de Dieu.
La querelle des images avait autrefois posé cette question : « Peut-on représenter ce qui est divin ? »
Les chrétiens ont cette caractéristique de penser que, oui, on peut représenter ce qui est divin en raison de l’Incarnation du Christ : nous avons un Dieu qui s’est fait homme et l’icône est possible à cause de cela. L’icône n’est pas une illustration, c’est un traité de théologie qui est écrit sur le bois.
En effet on ne peint pas une icône, on l’écrit avec des couleurs, des symboles, avec des « canons », c’est-à-dire des règles bien précises qui ont chacune une signification. Une icône est la vérité que l’on peut voir, on la regarde mais elle est aussi faite pour qu’elle nous regarde ; une icône nous contemple et nous fait découvrir l’Image de Dieu, elle est faite pour que Dieu nous parle ; si on écoute une icône, on comprend tout.
Marie c’est l’image de l’Eglise, en Marie c’est nous qui entrons dans le mystère du Christ, par contre Joseph n’a qu’une place anecdotique, il ne figure pas dans les icônes, la Sainte Famille tant représentée chez les catholiques n’a pas lieu d’être chez les orthodoxes . La personne de Jésus est divine mais en 2 natures, l’image de Jésus frère en humanité, Jésus « copain » n’est pas du tout supportée par les orthodoxes. La main droite bénissante du Christ, est représentée avec les 3 premiers doigts tendus et collés, symbole de la Trinité et les 2 derniers pliés pour les 2 natures.
Les orthodoxes font le signe de Croix avec la même position de la main, mais ils le font inversement par rapport aux catholiques, comme s’ils le faisaient en miroir de la bénédiction qu’ils reçoivent.
Remarquez la forme des croix orthodoxes : au dessus du bois transversal se trouve la petite barre où Pilate avait fait inscrire « Jésus Nazaréen Roi des Juif ». En bas de la croix la petite barre oblique, reposoir des pieds du Christ, indique en bas l’enfer et en haut les cieux.
Les orthodoxes assistent à la messe mais ne participent pas à la liturgie, le rite c’est l’affaire du pope qui célèbre l’Eucharistie derrière la porte royale et n’apparaît que rarement au cours des 3 heures que dure la Célébration.
La Communion se fait sous les 2 espèces, la Communion au vin (vin rouge de Cahors) se fait avec une petite cuiller et nécessite une certaine dextérité de la part du pope pour ne toucher ni la langue, ni le palais ni les dents. On ne communie pas fréquemment et on doit se confesser avant chaque communion.
Il existe une Réserve Eucharistique qui ne sert que pour les malades et de viatique pour les mourants ; cette Réserve est dans l’église dans un lieu discret sans lampe rouge ; les lampes rouges se trouvent devant les principales icônes ; les orthodoxes n’adorent pas la Présence Eucharistique et ne comprennent pas nos processions eucharistiques.
Les orthodoxes peuvent divorcer pour une raison valable mais pas plus de 3 fois ; les popes sont souvent mariés, il leur est même conseillé de constituer leur foyer avant leur ordination car après, ils ne peuvent pas divorcer, ou se remarier s’ils sont veufs.
Il y a le clergé blanc : les popes, et le clergé noir : les moines.
Les évêques sont élus et issus du clergé noir donc célibataires.
Au cours de notre séjour, nous avons eu le plaisir d’être accompagnés par le Père Edouard Shatov, russe, jeune prêtre catholique assomptionniste, attaché à la paroisse St Louis des Français à Moscou. Issu d’une famille orthodoxe, il a choisi la voie catholique pour diverses raisons mais en particulier parce qu’il ne se sentait pas à l’aise dans une Eglise orthodoxe autocéphale c’est-à-dire qui dépend d’un Patriarche (Archevêque) national. En effet le Patriarche de Moscou est aussi Patriarche de Russie, indépendant du Patriarche œcuménique de Constantinople.
Les catholiques sont tolérés par les orthodoxes en Russie comme sont tolérées toutes les communautés étrangères mais l’Eglise catholique ne sert à rien en Russie puisqu’il y a l’Eglise orthodoxe qui se suffit à elle-même.
Les catholiques reconnaissent tous les baptêmes chrétiens, mais les orthodoxes se méfient du baptême catholique qu'ils jugent incomplet.
Les orthodoxes acceptent d’assister à des célébrations catholiques mais n’acceptent pas de prier avec eux.
Jean Paul II avait oser leur proposer de réciter avec eux le Credo qui n’est pas une prière, en passant sous silence le « Filioque » que les catholiques avaient ajouté au Credo de Nicée Constantinople : les Orthodoxes disent du Saint-Esprit qu’ « Il procède du Père » et les Catholiques romains ont ajouté « et du Fils »
Cette querelle du « Filioque » avec d’autres raisons, avait abouti au Grand Schisme d’Orient de 1054.
Le Père Shatov nous a rapporté que les popes ne comprenaient pas tellement les prêtres catholiques qui passent ¾ de leur temps à faire du social et réservent peu de temps à la Célébration alors qu’eux se consacrent presque uniquement au culte.
La vision de la hiérarchie de l’Eglise est un peu différente pour les orthodoxes :
L’Eglise catholique romaine est pyramidale avec au sommet le pape, puis les évêques, les prêtres et enfin les fidèles.
Les orthodoxes considèrent l’Eglise comme concentrique avec au centre le Christ. Autour du Christ : les Apôtres, puis les patriarches et les évêques, puis les popes et les moines, puis tout autour les fidèles, et tout cela au milieu du monde.
L’Eglise orthodoxe de Russie m’est apparue comme très riche, productive et inventive jusqu’à la révolution de 1917. Depuis elle semble figée, repliée sur elle-même.
Il faut dire qu’elle a dû faire face à l’époque soviétique pendant laquelle elle a dû survivre à l’interdiction du Culte, à la fermeture des églises ; certaines d’entre elles étaient transformées en usine, musée de l’athéisme ! et même en piscine.
Une de nos guides russes nous a raconté que sa grand’mère l’avait fait baptiser en secret, à l’insu de ses parents, car si cela avait été connu, ses parents auraient perdu leur travail !
Depuis la Perestroïka (1985-1991), tout est à nouveau possible et la restauration des églises est favorisée par l’Etat, mais l’Eglise orthodoxe est Eglise de Russie et cela se ressent dans les rapports avec les autres Eglises.
Les orthodoxes nous montrent , à nous catholiques, qu’on ne prie pas seulement avec son esprit mais aussi avec son corps ; qu’on ne prie pas seulement avec des mots mais aussi avec de belles images.
Les orthodoxes nous rappellent le sens du sacré. Si le Christ est entièrement humain Il est aussi entièrement Dieu, Il n’est pas à considérer comme un simple « copain », nous Lui devons respect, glorification et action de grâces ; d’où la nécessité de célébrer et de célébrer encore.