retour  Histoire et situation du diocèse -  Église Catholique -  Diocèse de Cambrai
account_circle

24 LA RECESSION

 
UNE EXPLOITATION DIFFICILE PAR TROP ONEREUSE

En 1960, la «bataille du charbon » est en passe d’être définitivement gagnée. La production atteint des records inégalés.
Mais déjà, les énergies concurrentes, que sont le pétrole et l’électricité, s’installent en force dans la Société économique et même chez les particuliers. Sans que cela soit proclamé officiellement, il apparaît, de plus, que le déficit d’exploitation affecte définitivement la gestion des HN, contrairement aux bilans excédentaires des anciennes Compagnies. Enfin, des estimations ramènent les réserves de charbon à un tiers de celles prévues, quelque quinze années auparavant.
Cette conjonction de circonstances annonce le déclin irrémédiable de l’industrie charbonnière, à plus ou moins long terme. La récession s’amorce. Elle va toucher le bassin Nord-Pas-de-Calais en premier lieu, car le coût d’exploitation y est trop élevé. La contexture géologique tourmentée du filon, avec des épaisseurs réduites, empêche de réaliser un rendement par ouvrier, au moins égal à celui des mineurs des pays adhérents à. la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier).
Le gouvernement a donc décidé d’arrêter les sites déficitaires. Les plans de fermeture s’enchaînent. En 1968, celui de M Bettencourt prévoit de ramener la production, de 23 à 11 millions de tonnes par an, et de diminuer les effectifs de deux tiers.
Les puits s’arrêtent les uns après les autres. Le bassin le plus à l’ouest, vers Bruay-en-Artois, est le premier à subir la loi car le gisement est épuisé, conséquence de l’extraction intensive, durant la guerre de 14-18.
Le déficit devient chronique et s’accroît
La récession touche alors l’est du bassin. Dès 1950, les deux Groupes avaient concentré la production des satellites, sur des sièges plus performants et mieux outillés. Désormais la recherche de la super concentration est engagée. Le nombre de points de remontée se compte désormais par unités, aussi bien sur Valenciennes que Douai.
A partir de 1970, une vague de fermetures déferle, pour le Nord, depuis la frontière belge jusqu’à la limite du département du Pas-de-Calais. Les puits, encore les mieux équipés, servent d’aérage ou de descente du personnel et du matériel, en attendant leur désaffection définitive et par voie de conséquence le remblayage et le démantèlement des installations.
Aux 1° janvier et 1° juin 1971, les Groupes deviennent respectivement des Unités de Production, en gardant leurs limites territoriales. Mais dés le 1° juillet 1973, les Concentrations d’Agache et d’Aremberg passent, de l’UP de Valenciennes, dans celle de Douai.
Le 12 décembre 1973, une crise de l’énergie pétrolière survient sur le plan international, avec l’augmentation spectaculaire de 110% du prix du baril. Cette conjoncture ne peut être que favorable à l’extraction du charbon et donne un petit répit dans la récession déjà bien amorcée. Les plans sont revus à la hausse. Les effectifs ont fondu si vite qu’il faut faire appel à de la main d’œuvre étrangère. Le recrutement de huit mille volontaires se fera au Maroc

08 01 25 01 08 01 25 01  


Le sursis ne sera, hélas, que de courte durée malgré les promesses faites par Mitterand, en 1981, lors de son accession à la charge suprême de Président de la République.
Au 1° janvier 1977, les UP de Valenciennes et de Douai fusionnent pour devenir le secteur d’exploitation Est. En 1980, il n’y a plus que trois centres de pleine activité dans le Valenciennois ; Ledoux (Condé), Lavaleresse (Vieux-Condé) et Aremberg (Wallers) et, deux dans le Douaisis ; Barrois (Montigny/Pecquencourt) et n° 9 de l’Escarpelle (Roost-Warendin).
La fermeture des puits et la baisse de production entraînent conjointement la contraction de toutes les installations annexes ; centrales électriques, lavoirs, usines à boulets et à briquettes, réseaux ferrés internes. Toutes les activités, liées à ces productions ou services, disparaissent les unes après les autres ; Centrale, Lavoirs et Cokeries de Thiers en 1981, Cokerie de Lourches en 1983, Usines à boulets de Somain et Dorignies en 1977. Seule l’Usine à boulets Rousseau reste opérationnelle, pendant quelques années
 encore.

08 01 25 02 08 01 25 02  

la destruction d'un chevalet

 

La contraction des réseaux ferrés internes est constante.
Dans ce naufrage, que devient le personnel ? Les effectifs suivent la courbe descendante de la production. Naturellement les embauches sont suspendues. Retraites et préretraites s’enclenchent dans des proportions importantes. Ce processus entraîne des mutations sociologiques dans les cités.
Les nouveaux retraités, le plus souvent au début du troisième âge, vivent désœuvrées, sans but bien défini. Certains, atteints par la maladie de la silicose, essaient de se soigner le mieux possible, d’autres reprennent un petit travail parallèle ou s’investissent dans une vie associative communale. Les concentrations d’habitations minières reflètent un nouveau caractère, totalement différent du précédent, accentué par une désaffection des HN vis-à-vis de l’aspect social dans leurs cités.
La population active diminue. Les plus jeunes, qui n’ont pas encore la possibilité de faire valoir leurs droits à la retraite, sont dirigés sur les lieux d’extraction encore en activité. Quelques-uns déménagent. Pour les autres, à chaque prise de service, des cars de ramassage affrétés auprès de Compagnies privées, emmènent ceux qui partent travailler, ramènent ceux qui ont terminé. Là encore, de nouvelles habitudes se créent avec des horaires précis de passage, modifiant une fois de plus l’ambiance générale.
Etant donné le manque de crédits alloués à l’entretien des maisons, celles-ci se délabrent un peu plus, chaque jour. Il en est ainsi, surtout quand les locataires, le progrès aidant, décident de quitter le lieu, pour s’installer, en propriété ou en location, dans une résidence de leur choix. L’environnement perd de son attrait et donne de plus en plus un spectacle d’abandon.
La période de déclin se poursuit ainsi durant plus d’une décennie, avant d’en arriver irrémédiablement au terme d’une longue histoire. Chaque mineur est résigné, déplorant cet état de fait, sans désormais pouvoir s’opposer à l’inexorable finalité géologique, politique, économique, dans un monde de rentabilité et de profit.
Le bassin tout entier commence déjà à perdre son âme.

 

Article publié par Michel Dussart • Publié le Jeudi 10 janvier 2008 • 5869 visites

keyboard_arrow_up