LECTURE DU LIVRE D'ISAÏE (52, 13 ; 53, 5)
Mon serviteur réussira, dit le Seigneur ; il montera, il s’élèvera, il sera exalté ! La multitude avait été consternée en le voyant, car il était si défiguré qu’il ne ressemblait plus à un homme ; il n’avait plus l’apparence d’un fils d’homme. Il étonnera de même une multitude de nations ; devant lui les rois resteront bouche bée, car ils verront ce que, jamais, on ne leur avait dit, ils découvriront ce dont ils n’avaient jamais entendu parler. Qui aurait cru ce que nous avons entendu ? Le bras puissant du Seigneur, à qui s’est-il révélé ? Devant lui, le serviteur a poussé comme une plante chétive, une racine dans une terre aride ; il était sans apparence ni beauté qui attire nos regards, son aspect n’avait rien pour nous plaire. Méprisé, abandonné des hommes, homme de douleurs, familier de la souffrance, il était pareil à celui devant qui on se voile la face ; et nous l’avons méprisé, compté pour rien.
En fait, c’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous pensions qu’il était frappé, meurtri par Dieu, humilié. Or, c’est à cause de nos révoltes qu’il a été transpercé, à cause de nos fautes qu’il a été broyé. Le châtiment qui nous donne la paix a pesé sur lui : par ses blessures, nous sommes guéris.
CONTEMPLONS CE MYSTERE
"Nous voici donc devant la « victime qui n'a rien fait de mal » pour accueillir son témoignage, son martyre, […] celui de l'innocence. […] Seule l'innocence est digne de foi. Cette dignité s’est révélée sous nos yeux, là, en croix. […] Pauvres hommes mêlés que nous sommes : devant la croix, nous plaidons non coupables, comme Pilate ! Le laisserons-nous seul à accepter d’être mis « au rang des coupables » ? […] Au calvaire, c'est un malfaiteur qui m'ouvre les yeux : « Lui il n'a rien fait de mal ! Pour nous, c'est justice ! » Et Judas reste apôtre lorsqu’il témoigne : « J’ai péché en livrant un sang innocent. » Ils portent un plus lourd péché ceux qui lui répondent alors : « Que nous importe, c’est ton affaire ! » […]
Oui, Jésus seul aurait pu dire : « Je n’ai pas commis de faute, ni péché, ni le mal, Seigneur ! » Et pourtant, il ne s’est jamais proclamé « innocent ». Il ne s’est pas lavé les mains. Saint Paul dit même : « Il s’est fait péché pour nous ! » Il a seulement posé la question : « Qui de vous me convaincra de péché ? » L’innocence n’accuse pas. Et puis, lorsque tout fut consommé sur lui de notre injustice et de notre lâcheté, il a plaidé « non coupables » pour nous : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ! » L’innocence qui excuse tout ?
C'est alors que le ciel se déchire : l'innocence de l'homme et celle de Dieu peuvent éclater conjointement : « C'est dans cette innocence, c'est dans cette enfance éternelle que gît le mystère de Dieu qui se révèle en Jésus-Christ, disait Maurice Zundel dans la lecture de cette nuit, et ce Dieu là, ce Dieu qui est libre de lui-même, ce Dieu qui ne se regarde jamais, ce Dieu qui ne se complaît pas en soi, ce Dieu qui n'existe qu'en se donnant (ce Dieu qui est donc tout à l'opposé de ce que le péché m'a fait), ce Dieu de quel monde peut-il être le Créateur sinon d'un monde libre, jusque dans les dernières fibres de son existence ? »
En effet, la création va pouvoir reprendre sa place dans cette innocence divine qui est sa matrice originelle. […] L'innocence perdue peut être recouvrée ; elle n'a pas été détruite complètement. Elle subsistait quelque part, comme à la racine de chacun. Jésus en témoigne pour nous.
Au pied de la croix, cette innocence est là, en attente d'elle-même. Elle a nom et visage : Marie. […] Elle est prête à nous enfanter à neuf, TOUS : « Voici ta mère ! » « demeure de ma splendeur », « pleine de grâce… »
Frère Christian de Chergé, L’invincible espérance, vendredi saint 1er avril 1994
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« Dieu avec ton Fils en agonie, nous voulons Te bénir » :
« Quand la nuit est là, quand la lumière n'a pas de nom en dehors de la Foi, Dieu de toute aurore,
avec ton Fils en agonie, nous voulons Te bénir encore.
Quand la blessure est là, quand la vie n'a pas de nom en dehors de ta Volonté,
Dieu affrontant toute mort avec le Fils blessé à jamais, nous voulons Te glorifier encore.
Quand la lutte est là, quand la victoire n'a pas de nom en dehors de l'Amour, Dieu toujours plus fort, avec le Fils héritier de nos morts, nous voulons T'adorer encore ».
(Prière du frère Christian de Chergé)