Le film " Amen " de Costa Gavras va encore une fois alimenter la polémique sur Pie XII. Le plus souvent, au mépris de l'Histoire, on va lui refaire grief de s'être tu pour de sordides raisons-entre autres, la défense d'institutions catholiques - sur l'horrible crime de la Shoah, et d'avoir ainsi laissé libre cours à la barbarie nazie. Pour l'honneur de Pie XII, par souci de vérité, il me semble pas inutile de rappeler ceci :
Alors oui, il s'est publiquement tu. Sœur Lehnert nous explique pourquoi (p 135) :
" En août 1942, les journaux publièrent l'horrible nouvelle que la protestation officielle des évêques hollandais contre la persécution inhumaine des juifs avait amené Hitler à faire arrêter dans la nuit 40 000 juifs hollandais et à les faire gazer…On apporta les journaux du matin au Saint Père, tenant à la main deux grandes feuilles couvertes d'une écriture serrée, vint dans la cuisine…et dit : " Je voudrais brûler ces feuilles : c'est ma protestation contre l'affreuse persécution des juifs. Elle devait paraître ce soir dans l'Osservatore Romano. Mais si la lettre des évêques hollandais a coûté 40 000 vies humaines, ma protestation en coûterait peut-être 200 000. Je ne dois ni ne veux prendre cette responsabilité. Aussi vaut-il mieux se taire en public et faire en silence, comme auparavant, tout ce qu'il est possible de faire pour ces pauvres gens. "
Aussi le 2 janvier 1943, Pie XII déclara aux cardinaux de la Curie : " Toutes nos déclarations publiques doivent être pesées et mesurées par nous dans l'intérêt même des victimes, afin de pas rendre leur situation plus lourde et insupportable… "
On sait que le désir de Jean-Paul II est d'ouvrir l'ensemble des archives vaticanes aux historiens. Elles confirmeront sans doute que la conviction de Pie XII fut très claire : la moindre parole publique de sa part aurait, à coup sûr, accéléré la répression et amplifié le drame. Fallait-il en prendre le risque. S'il l'avait pris, on l'en accuserait sans doute aujourd'hui.
En conscience, Pie XII a choisi le silence public et l'action discète la plus efficace possible. Qui peut aujourd'hui le lui reprocher ?
François Garnier
Archevêque de Cambrai