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Un communiqué de Mgr Garnier

Suite aux résultats des élections du 21 Avril, Mgr François Garnier invite à la réflexion et donne "SIX REPERES ENTRE DEUX VOTES"

Mgr François Garnier Mgr François Garnier  

1. Ils ne sont pas des monstres.

Que cela nous plaise ou non, lorsque nous croisons cinq français qui ont voté le 21 avril dernier, l'un d'entre eux a voté pour l'extrême droite. Il n'est sans doute pas un monstre à diaboliser : il habite près de nous, il travaille avec nous, il est peut-être notre ami, il est le plus souvent de condition modeste. Il faudrait pouvoir l'écouter. Essayer de comprendre ses craintes et ses déceptions, avant d'essayer de lui dire, avec respect, que l'extrême droite répond mal, très mal, aux bonnes questions qu'il se pose, parce qu'elle utilise, à des fins égoïstes, la "peur originelle de l'autre" qui peut toujours habiter en chacun, chacune d'entre nous.

2. Le rétablissement de la peine de mort serait une honte.

En aucun cas, ce rétablissement ne peut se justifier dans une société qui jouit d'une "institution pénale efficiente" (Jean-Paul II, Encyclique sur "l'Évangile de la Vie" – n° 56), ce qui est, à l'évidence, la réalité dans notre pays.

3. La remise en cause de la construction commencée de l'Europe serait un terrible recul.

Nos pères ont payé cher notre paix. Le mien en porte encore les blessures. Le Charbon et l'Acier qui faisaient les armes de la guerre, nos pères les ont transformées en outils pour la paix. Ils ont compris que les chances de l'ouverture des frontières l'emportaient largement sur les risques. A nous de continuer la construction de l'Europe patiemment, dans le respect de son esprit dont personne ne peut dire qu'il ne vient pas, largement, de l'Esprit Saint.

4. Le rejet de la mondialisation serait une erreur.

Personne aujourd'hui ne peut l'arrêter. Chacun sait que la seule voie est de la maîtriser. C'est un bonheur pour moi de citer ici ce qu'écrivait Monseigneur Jacques Delaporte, notre ancien archevêque, en avant propos d'un texte de Justice et Paix France, en février 1999 :
"Si les chrétiens n'ont en aucune manière l'exclusivité de cette démarche, ils ne sont pas non plus les plus mal placés : dès la Pentecôte, ils s'inscrivent dans un universalisme porteur d'unité à travers les diversités personnelles et collectives. Les chrétiens sont parmi les plus anciens « mondialistes » ; ils n’ont aucune raison d’être angoissés par le nouveau monde qui naît. Ils ont, en revanche, dans la continuité de leur propre tradition, à relier l’évolution en cours à leur conception de l’universalisme, à l’orienter vers l’intérêt général et spécialement celui des sans-voix, des pauvres, des marginaux. Ils ont aussi à prendre en compte les questions éthiques nouvelles qui se posent à propos de notre responsabilité vis-à-vis des générations futures dans les domaines de l’écologie et de la biologie."

J'ajouterai que l'expérience missionnaire qui est celle de l'Église, a toujours converti et fait reculer notre peur originelle de l'autre, de l'autre différent par sa couleur, sa peau, ou son appartenance religieuse. Nous pouvons témoigner que nous sommes accueillis par les frères les plus lointains et différents de nous, mieux que nous ne savons les accueillir.
Comme évêque accompagnant la Délégation Catholique à la Coopération, je rends grâce à Dieu de voir chaque année plusieurs centaines de jeunes français partir à l'étranger pour servir, autant qu'ils le peuvent, un pays en voie de développement. Tous nous disent à leur retour qu'ils ont plus reçu que donné, qu'ils ont plus appris qu'enseigné.
Comme archevêque de Cambrai, je rends grâce pour tous les catholiques qui multiplient dans les quartiers populaires "à risques" les lieux de rencontres et de dialogue ainsi que les fêtes interculturelles où l'on apprend à se respecter et à ne plus se faire peur.
J'aime citer la parole de cette petite métisse de Dijon qui disait au commencement d'une rencontre inter-religieuse : "Le monde, c'est comme les fleurs, c'est plus joli avec toutes les couleurs." Les petits enfants ont souvent raison.

5. Le devoir de voter apparaît clairement.

Beaucoup de ceux et celles, en particulier tous les jeunes, qui n'ont pas voté hier vont peut-être manifester aujourd'hui, au risque d'être récupérés par ceux qui crient la haine ou saccagent beaucoup sur leur passage. Au risque de se tromper deux fois – parce qu'ils n'ont pas cru devoir voter hier, et parce que toute manifestation qui dérive vers la violence fait évidemment le jeu de ceux qui croient pouvoir assurer demain la sécurité par la seule force – ce qui est toujours une erreur.
La manifestation souhaitable serait la manifestation silencieuse, digne, et sans banderoles particulières – du type de celles que l'on a déjà vues après les attentats meurtriers des séparatistes basques.
La vraie manifestation sera de voter dimanche prochain. En conscience... En conscience éclairée.

6. Et après le 5 mai.

Tout sera à reconstruire. Il est permis d'espérer que les plus clairvoyants, les plus déterminés et les plus inattaquables de nos politiciens de la droite et de la gauche classique aient le courage de percer des trous dans les murs qui les ont trop souvent enfermés, afin qu'ils se rencontrent, s'écoutent et sortent du petit jeu des intérêts de partis, et qu'ils servent en premier ceux et celles qui souffrent trop d'injustices répétées. "Ce que vous avez fait aux plus petits d'entre les miens, c'est à moi que vous l'avez fait"... Il est aussi permis d'espérer que beaucoup de nos concitoyens, secouant leur individualisme, prendront leur place dans la construction d'une société plus fraternelle. Il y a des jours où il est nécessaire de rêver... et de prier.


@ François GARNIER
Archevêque de Cambrai


Le 27 avril 2002

Article publié par Secrétariat DIOCESAIN • Publié le Lundi 29 avril 2002 - 19h40 • 2915 visites

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