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Guerre en Irak : point de vue d'un chrétien

Un pays, fût-il le plus puissant du monde, peut-il demander aux autres de respecter ce que lui-même ne respecte pas ?

3- Cofi annan 3- Cofi annan   .

1. Un but qui fait l'unanimité

Presque tout le monde est d'accord sur un point : Un dictateur qui amasse des armes de destruction massive ou qui, du moins, ne permet pas à ses voisins d'en avoir le cœur net, représente pour ceux-ci un danger inacceptable. Vouloir mettre fin à cette situation relève du droit d'autodéfense.
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2. Des moyens controversés

Pourtant nombreux sont ceux qui, dans le monde entier, sont opposés à la guerre que les USA et la Grande Bretagne ont décidé de faire au nom de ce droit à l'autodéfense.

Ils sont contre cette guerre, tout d'abord, parce qu'ils pensent qu'il y avait d'autres moyens pour obtenir le désarmement en Irak, des moyens diplomatiques qui demandent certes du temps et de la patience mais y avait-il urgence à mettre fin en quelques jours à une situation vieille de dix ans ?

Ils sont contre cette guerre aussi parce qu'ils croient que la violence engendre la violence et que le fait de détruire le potentiel militaire d'un pays ne mettra pas forcément la paix dans les cœurs. Cette guerre ne risque-t-elle pas au contraire d'attiser la haine ?
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3. Un précedent regrettable

Mais ce qui est encore plus grave, c'est que les USA et la Grande Bretagne, en décidant cette guerre unilatéralement, sans avoir l'aval des Nations Unies, ont fait eux-mêmes ce qu'ils reprochent à Saddam Hussein : Ils ont refusé de se soumettre à l'autorité de l'ONU, pour imposer leur propre loi, la loi du plus fort.

C'est une régression dont il est encore difficile de mesurer toute la gravité : Un pays, parce qu'il est le plus puissant du monde, décide de faire justice lui-même sans en référer à l'autorité internationale. Comment peut-il, dés lors, demander aux autres pays de respecter ce que lui-même ne respecte pas ? Les USA et la Grande Bretagne ont créé un précédent vraiment regrettable qui leur enlève toute crédibilité quant à leur intention de construire un monde qui repose sur le respect de la loi internationale et non sur la force que peut imposer celui-ci ou celui-là.

Par ailleurs, on peut supposer que les USA et la Grande Bretagne ont pris cette décision, persuadés que la fin justifie les moyens. Mais le cow-boy texan qui dégaine ses deux revolvers pour faire justice lui-même en Irak, est-il vraiment différent de ceux qui ont détruit le World Trade Center persuadés que c'était pour eux le seul moyen d'ébranler la supériorité méprisante des Etats-Unis d'Amérique ? Dans les deux cas, un homme ou un groupe d'hommes agissent en étant persuadés que leur but est "juste" et qu'il "justifie" les moyens qu'ils croient devoir employer pour l'atteindre. N'est-ce pas la porte ouverte à toutes les dérives… ?
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4. Une reconstruction difficile

En tous cas, quand cette guerre sera finie, elle n'aura pas détruit que des bâtiments et des vies humaines. Ce n'est pas seulement tout ce qui aura été détruit en Irak qu'il faudra reconstruire. Il faudra reconstruire aussi l'image et la crédibilité des Etats-Unis, regagner la confiance des pays dont ils n'ont pas tenu compte, comme la France et l'Allemagne. Mais aussi et surtout, il faudra restaurer l'autorité des Nations Unies car ce n'est pas la puissance militaire du plus puissant pays du monde qui peut garantir la paix sur la terre, mais un gouvernement mondial, reconnu et accepté par tous, un gouvernement mondial dont les Nations Unies sont l'embryon.
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5. C'est à nous de poser la première pierre

Tout pouvoir tend à s'exercer. L'histoire des hommes, mais aussi de la vie sur la terre, montre que dés qu'un individu, ou un groupe, a la puissance, et donc le pouvoir, il l'exerce forcément, tôt ou tard. La guerre en Irak en est la parfaite illustration. On ne peut pas plus compter sur George Bush que sur Saddam Hussein pour renoncer au pouvoir que leur confère leur puissance économique ou militaire et se soumettre à l'autorité d'un gouvernement théorique qui ne dispose pas de cette puissance.

Tant que les Etats-Unis seront le pays le plus puissant du monde, ils ne renonceront pas à leur pouvoir et ils ne résisteront pas à la tentation de l'exercer. C'est pourquoi il est indispensable que l'Europe (et les autres pays du monde), se donnent les moyens de faire le contrepoids. Or qu'est-ce qui empêche les pays de l'Europe de le faire d'ores et déjà ? Leur incapacité à se doter, eux aussi, d'un gouvernement unique. Quand ils en seront capables, alors, face aux Etats Unis qui ont choisi la "loi de la force", les Européens pourront contre-proposer de choisir plutôt la "force de la loi".

L'avenir n'est pas entre les mains des Américains, il est entre nos mains. A nous de savoir ce que nous voulons et d'agir en conséquence.
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Gérard Pique
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gerardpique@free.fr

Article publié par Gérard PIQUE • Publié le Vendredi 28 mars 2003 - 16h03 • 3358 visites

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